Pour la troisième fois cette année, du chlore a été utilisé comme arme chimique à Douma, banlieue de Damas

Alors que les préoccupations internationales grandissent au sujet de l’utilisation d’armes chimiques par la Syrie, de nouvelles preuves de leur utilisation par l’armée syrienne continuent à émerger. Le matin du 1er février 2018, des activistes locaux ont rapporté l’utilisation de roquettes chimiques remplies de chlore envoyées sur l’ouest de la ville de Douma, située à l’Est de Damas dans un territoire tenu par l’opposition :

Texte du tweet : « Urgent || la 3me #AttaqueAuChlore contre les quartiers ouest de #Douma par l’armée du régime d’#Assad. Trois missiles au #Chlore ont été lancés à 5 h 30 et sont tombés directement sur les fermes de l’ouest de #Douma, puis le gaz s’est répandu sur la zone.
1.Fév.2018 »

Ceci représente la troisième attaque chimique signalée à Douma depuis le début de 2018, après les deux attaques précédentes du 13 et du 22 janvier. Bien que les munitions n’aient pas été retrouvées lors de l’attaque du 13 janvier, celles utilisées lors de l’attaque du 22 ont été récupérées et documentées, tout comme celles utilisées dans l’attaque du 1er février. Le modèle des munitions récupérées dans les deux attaques est identique et correspond à celui des munitions utilisées lors d’une attaque au chlore le 30 janvier 2017 à Marj al-Sultan, à environ 8 km au sud-est de Douma.

Roquettes chimiques utilisées le 30 janvier 2017 à Marj al-Sultan (source)

Roquette chimique utilisée le 22 janvier 2018 à Douma, Damas (source)

Roquettes chimiques utilisées le 1er février 2018 à Douma, Damas (source)

Les roquettes sont fondées sur des roquettes d’artillerie iraniennes de 107 mm modifiées, l’ogive explosive étant remplacée par une grande bouteille de gaz et des ailerons supplémentaires ajoutés. Dans les trois attaques, la conception des roquettes est identique et, dans certains cas, les roquettes des attaques de 2018 ont les mêmes numéros de lot, indiquant qu’elles proviennent du même lot de fabrication. Cela indique fortement que les roquettes utilisées dans les attaques de 2018 auraient la même origine :

Haut – Marques sur une roquette de l’attaque du 22 janvier 2018 (source) ; Bas – Marques sur une roquette de l’attaque du 1er février 2018 (source)

Grâce aux vidéos postées par Firas Abdullah le jour de l’attaque, il est possible de géolocaliser les sites d’impact de trois des roquettes utilisées lors de l’attaque du 1er février sur les terres agricoles de l’ouest de Douma. L’ogive d’une quatrième fusée a été photographiée mais n’a pas été géolocalisée. Les sites d’impact sont situés à moins de 200 m à l’ouest du seul site d’impact du 22 janvier qu’il avait été possible de géolocaliser :

Géolocalisation des sites d’impact des attaques chimiques de 2018 (emplacement)

Plusieurs organisations et individus ont régulièrement suivi les combats dans la région et ont démontré qu’il y avait peu de mouvement dans les lignes de front les plus proches des lieux attaqués, en dépit d’une tentative récente des forces gouvernementales pour prendre la zone. Une carte émanant du « reporter de guerre, photographe et concepteur de carte de guerre » pro-gouvernemental Maxim Mansour postée le 12 janvier 2018, soit la veille de l’attaque chimique du 13 janvier, montre les forces gouvernementales attaquant la région :

Texte du tweet : « L’armée syrienne avance dans le nord-est d’#Harasta dans les vergers d’où les terroristes attaquent avec des mortiers la banlieue résidentielle d’El-Assad.#AAS #Damas #Syrie »

Des cartes provenant du site internet pro-gouvernemental South Front, datées du 18 et du 29 janvier, montrent des positions qui n’ont pas changé entre ces deux dates. Les cartes de FSA News, pro-opposition, montrent également les mêmes lignes de front pendant cette période, tout comme le site de cartographie des conflits LiveUAMap. Grâce à cette concordance entre plusieurs sources sur la localisation des positions de première ligne, les positions gouvernementales les plus proches des sites d’impact en seraient distantes de 400 à 600 m.

Il est également possible d’établir la trajectoire probable des roquettes utilisées lors de l’attaque du 1er février. Dans une vidéo géolocalisée, Firas Abdullah filme le cratère d’impact de l’une des fusées :

Texte du tweet : « Urgent || le 2e missile au #Chlore de l’#AttaqueAuChlore contre les quartiers ouest de #Douma
1.Fév.2018 »

La forme de ce cratère indique que la roquette serait venue de l’ouest, depuis les positions du gouvernement syrien situées à environ 1 km. Dans une autre vidéo, nous voyons un site d’impact où l’ogive de la munition chimique est encore enfouie dans le sol :

Texte du tweet : « Urgent || le 3me missile au #Chlore de l’#AttaqueAuChlore contre les quartiers ouest de #Douma
1.Fév.2018 »

Compte tenu de la hauteur du mur nord-sud et de la proximité de l’ogive avec le mur, il est très improbable que la munition ait pu provenir de l’est, indiquant à nouveau que la munition proviendrait des positions gouvernementales situées à l’ouest. Plus à l’ouest, la base militaire du 41e Régiment se trouve à 2 km des sites d’impact.

SAMS-USA (Société médicale syro-américaine – ndlr) a rapporté qu’« un hôpital soutenu par la SAMS dans la Ghouta orientale a reçu 3 patients souffrant de suffocation, d’une toux sèche et de vomissements, symptômes qui sont tous compatibles avec l’utilisation du gaz de chlore. Les patients sont 2 femmes et une victime âgée de 16 ans ». Le Ghouta Media Center a rapporté qu’un membre de la défense civile avait été blessé dans l’attaque. Des rapports locaux indiquent que l’attaque au chlore a été suivie d’une journée de bombardements intensifs à Douma, entraînant la mort de deux enfants et de multiples blessés.

Merci au collectif Syrie Factuel pour la traduction de cet article.

La recherche pour cette publication a été soutenue par PAX for Peace.