Aperçu des groupes turkmènes syriens à Lattaquié

Alors que la guerre civile syrienne entre dans sa huitième année, des groupes ethniques et religieux, jusqu’alors négligés, ainsi que les divisions et les alliances entre ces derniers, ont suscité une couverture et une analyse accrues. Après des années de guerre et la fin des allégeances traditionnelles, des groupes auparavant réprimés par le gouvernement syrien ont été en mesure de se trouver de nouveaux alliés, de renouer des liens historiques ou de se créer de nouveaux espaces.

Parmi les groupes les plus communément couverts dans le conflit figurent les Kurdes, considérés comme les principaux alliés des États-Unis en Syrie, les FDS / YPG. La communauté druze syrienne, qui vit dans les régions de Souweïda et Quneitra, dans le sud de la Syrie, a été de plus en plus observée par les médias à la suite des attaques de l’État islamique. Les Yézidis et les Assyriens ont également bénéficié d’une attention accrue à la suite des attaques de l’État islamique et des alliances conclues avec les FDS et la Coalition internationale impliquée en Syrie et en Irak.

Bien qu’ils représentent une part importante et historiquement significative de l’héritage ethnique composite de la Syrie, les Turkmènes syriens n’ont en revanche été que très peu observés, alors qu’ils réaffirment leur identité en formant leurs propres brigades, en luttant contre l’armée syrienne et en fondant des partis politiques au nord d’Alep.

Le drapeau turkmène (source)

Éléments de contexte

Selon les estimations les plus répandues réalisées par des chercheurs couvrant la Syrie, le nombre de Turkmènes en Syrie se situerait entre 500 000 et 3 000 000. Les Turkmènes résident généralement le long de la frontière turque, principalement à Lattaquié et dans la province d’Alep, bien que certains se soient installés à Homs, à Damas et à Quneitra.

Tout au long de la guerre civile, les Turkmènes ont commencé à former leurs propres brigades, à majorité turkmène, pour défendre des zones traditionnellement considérées comme les leurs et se battre contre le gouvernement syrien. La brigade du sultan Mourad a été l’une des premières brigades turkmènes à s’établir en 2013. Le groupe est ensuite devenu l’un des principaux alliés de la Turquie dans ses opérations “Bouclier de l’Euphrate” et “Rameau d’olivier”.

L’un des premiers incidents majeurs liés aux groupes turkmènes remonte à 2015 à Lattaquié, lorsque la Russie a commencé à bombarder les forces de l’opposition. A la suite de la destruction par la Turquie d’un avion de chasse russe Sukhoi-24, l’un des pilotes a été tué par Alparslan Çelik, un commandant turkmène de premier plan dans la province de Lattaquié. Çelik a ensuite été arrêté alors qu’il se trouvait en Turquie pour le meurtre du pilote russe Oleg Peshkov.

Turkmènes syriens : nationalisme et idéologie

Les Turkmènes syriens étant d’origine turque et partageant une partie importante de leur culture avec la Turquie, le nationalisme turc continue de jouer un rôle majeur dans les mouvements idéologiques au sein de cette communauté. Le nationalisme de droite a toujours été un élément prédominant de la culture et de la politique turque, plusieurs partis politiques ayant maintenu le nationalisme de droite au centre de leur discours.

De nombreux nationalistes turcs de droite sont qualifiés, et se désignent souvent eux-mêmes, comme « Bozkurtlar » ce qui signifie les « Loups gris ». Un célèbre signe de la main fait par les nationalistes de droite, les “Loups gris”, en Turquie, est souvent utilisé par les rebelles turkmènes sur les réseaux sociaux.

Les groupes turkmènes en Syrie expriment ouvertement leur soutien aux plus conservateurs des partis turcs tels que le MHP et le parti au pouvoir, l’AKP. Le néo-ottomanisme est également un thème commun aux brigades turkmènes en Syrie, plusieurs d’entre elles utilisant des drapeaux, des noms et des symboles ottomans dans les publications médiatiques de leurs groupes. Enfin, une minorité de Turkmènes semble adhérer au kémalisme, l’idéologie de Mustafa Kemal Atatürk, fondateur de la Turquie moderne et figure emblématique des nationalistes turcs.

Des volontaires turcs font le signe du “Bozkurt”. Lattaquié 2016 Source : Facebook

Des combattants turkmènes de l’union de Suleiman Chah. Lattaquié. Source : Facebook

Les brigades turkmènes

La brigade Abdülhamid Han

Plusieurs brigades turkmènes opèrent actuellement à Lattaquié, la plus notable étant la 2e division côtière, qui comprend des Arabes mais reste principalement constituée de Turkmènes. La plupart des brigades turkmènes de Lattaquié font partie de cette 2e division côtière. Une autre faction, plus petite et qui compte environ 50 combattants à Lattaquié est la brigade du sultan Abdülhamid Han, qui porte le nom du sultan ottoman Abdülhamid II et qui est dirigée par le commandant suprême turkmène Ömer Abdullah.

Ömer Abdullah, commandant suprême de la brigade du sultan Abdülhamid Han. Source : Facebook

La brigade Abdülhamid Han a adopté une vision du nationalisme turc plus radicale que les autres brigades turkmènes syriennes. Elle utilise beaucoup le drapeau et les symboles de la Turquie, de l’Empire ottoman, des Turkmènes et de la chahada (profession de foi musulmane). Comme beaucoup de brigades et d’individus turkmènes, elle adhère ouvertement au mouvement des Loups Gris, une organisation ultranationaliste en Turquie.

Ci-dessous figure le drapeau de la brigade Abdülhamid Han. Il présente un croissant et une étoile, comme sur la plupart des drapeaux turciques (peuples de langues turciques et peuples turcs d’Asie centrale), ainsi qu’un Tuğra, une signature ou un sceau ottoman classique (il s’agit du sceau propre à chaque sultan ottoman – ndt). Le bleu et le blanc sont des couleurs généralement associées aux Turkmènes syriens.

Source: Facebook

La brigade a été impliquée dans de violents affrontements en 2017, avec l’engagement de combats rapprochés contre des troupes du gouvernement syrien sur le mont Turkmène qui ont pu être visuellement confirmés (voici la séquence – contenant des images violentes – du commandant Zakariya Molla lors d’affrontements, dans laquelle au moins un soldat décédé du gouvernement syrien peut être observé).

La brigade Abdülhamid Han bénéficie d’un soutien matériel turc limité, comprenant des munitions pour des armes de petit calibre, des obus de mortier et, semble-t-il, quelques mitrailleuses lourdes. La photo ci-dessous montre la brigade Abdülhamid Han en possession de roquettes de 107 mm, fournies par la Turquie. Les 19 et 22 janvier 2019, la brigade Abdülhamid Han a reçu de nouveaux uniformes et des armes de la part d’un fournisseur turc :

Source: réseaux sociaux

Au maximum de ses effectifs, la brigade Abdülhamid Han a compté environ 50 combattants. L’organisation dispose de plusieurs véhicules (par exemple un véhicule de combat léger improvisé) dans son arsenal et d’au moins un lance-roquettes multiples (MRLS) monté sur véhicule.

La brigade Abdülhamid Han au complet. Source: Facebook

La brigade Murat

Une autre brigade notable au sein de la 2e division côtière est la brigade Murat. Elle ne compte que quelques dizaines de combattants, mais comprend plusieurs volontaires étrangers de nationalité turque.

Dirigée par son commandant suprême, un Turkmène du nom de Ramazan Addi, la brigade Murat est soutenue par la Turquie. Elle a été photographiée en train d’utiliser des armes produites en Turquie pour bombarder les troupes du gouvernement syrien en juillet 2017.

Ramazan Addi est visible ci-dessous (source) :

Et voici la brigade Murat avec son lance-roquettes de 128 mm, venant de la même source Facebook :

La brigade Murat a également fait partie du petit nombre de groupes ayant reçu un véhicule Panthera 9F après que plusieurs ont été distribués à des groupes à Lattaquié en 2017 :

La brigade Murat compte plusieurs combattants qui se démarquent tels que Zafer Kerkeç, par exemple, qui est né en Turquie. Zafer a été vu avec plusieurs commandants importants et des combattants turkmènes. Il a également été photographié avec l’un des véhicules Panthera 9F fournis aux rebelles turkmènes :

Il est également apparu à la télévision turque, qui l’a interviewé au sujet d’un cessez-le-feu en Syrie.

Le logo de la brigade Murat représente un croissant et une étoile, traditionnels sur les drapeaux turciques. Le drapeau rouge et bleu représente les brigades turkmènes en Syrie, une variante du blanc et du bleu utilisés par les Turkmènes.

Plusieurs combattants d’Asie centrale ont également rendu visite et/ou rejoint la brigade Murat. Sur cette photo, on peut voir un supposé combattant étranger originaire du Xinjiang (Chine) où vit une population turcique. Il pose avec Ali Kaplan, un ressortissant turc de la même brigade :

D’autres photos publiées par des membres de la brigade sur les réseaux sociaux montrent des combattants membres de brigades turkmènes à Lattaquié et qui semblent être d’appartenance ethnique centre-asiatique. On peut voir Emrah Çelik, un volontaire turc, accroupi sur la photo ci-dessous :

L’union de Suleiman Chah

Une autre brigade turkmène établie dans la région du mont Turkmène est l’union de Suleiman Chah, à ne pas confondre avec la brigade Suleiman Chah située dans le nord de la province d’Alep, et qui a pris part à l’opération turque “Rameau d’olivier”. L’union de Suleiman Chah est une petite brigade affiliée à la brigade Abdülhamid Han, le commandant de l’union de Suleiman Chah est souvent photographié aux côtés de membres de la brigade Abdülhamid Han.

À gauche : le commandant Halil Abu Nejim (source):

L’union de Suleiman Chah s’est livrée à des affrontements de faible ampleur avec l’armée syrienne le 24 juillet 2018. La Turquie aurait fourni les munitions de l’organisation.

Le logo de l’union de Suleiman Chah se compose des traditionnels croissant et étoile, avec deux flèches de chaque côté. Sur le tracé de la flèche est lisible le mot “Turc” écrit dans l’ancien alphabet turcique Orkhon, généralement utilisé par les nationalistes turcs. Les couleurs sont le bleu et le blanc – encore une fois, ce sont les couleurs couramment utilisées par les Turkmènes syriens :

Le commandant Halil Nejim avec le commandant Ömer Abdullah. Le drapeau de la brigade Abdülhamid Han, de la Turquie et de l’Empire ottoman est visible à l’arrière. Cette image pourrait suggérer que l’union de Suleiman Chah ne soit qu’une sous-unité de la brigade Abdülhamid Han. L’union de Suleiman Chah est composée d’une douzaine de combattants, avec seulement quelques véhicules.

La tentative de coup d’état de 2016 en Turquie

Le 15 juillet 2016, l’union de Suleiman Chah a publié une vidéo à propos de la tentative de coup d’état en Turquie, annonçant que ses sentiments au sujet de cette tentative étaient négatifs.

Des membres de la brigade ont aussi pris des photos avec une bannière commémorant Meriç Alemndar, l’officier de police turc qui fut tué pendant la nuit du coup d’état. La raison pour laquelle cette bannière commémore spécifiquement cet officier est inconnue.

Le commandant Halil Abu Nejim devant une bannière en hommage à Meriç Alemdar.

Ci-dessous : le commandant de l’union de Suleiman Chah, Halil Abu Nejim avec un drapeau azerbaïdjanais (l’Azerbaïdjan est un pays turcique ami) (source) :

La brigade Dirliş Osmanli

La brigade Dirliş Osmanli est une toute petite brigade basée à Lattaquié. Elle comporte une douzaine de combattants et constitue une petite sous-unité de la brigade Murat. Elle est dirigée par le commandant Izzet Baldir.

Au centre de l’image ci-dessous : Izzet Baldir, entouré d’autres membres de la brigade. Un PKM et une variante d’AK équipée d’une lunette sont posés devant eux. Un drapeau turc est visible à l’arrière plan.

Il existe une vidéo Facebook de la brigade bombardant des positions du gouvernement syrien avec des roquettes de 107 mm fournies par la Turquie.

Nous avons pu repérer un char avec la brigade Dirilis, un détail qui nous avait échappé en observant les précedentes publications de la brigade Murat.

Le commandant suprème Izzet Baldir devant un char T-55. Source : Facebook

Le nom de la brigade Diriliş Osmanli peut se traduire par la brigade « de la résurrection ottomane » ou la brigade « l’Empire ottoman va grandir ». Leur logo est brun noir. L’année 1299 marquant la montée de l’Empire ottoman y est mentionnée. On peut y voir deux croissants et une étoile (une représentation traditionnelle parmi les drapeaux turciques) et une chahada au milieu. Cela montre les trois piliers traditionnels des brigades turkmènes : l’islam, le turquisme et le nationalisme :

La 2e division côtière

Comme en témoignent les relations étroites que la plupart des commandants et des membres semblent avoir entre eux, il n’est pas surprenant que la plupart de ces petites formations travaillent sous l’égide de la 2e division côtière, qui est généralement plus connue que n’importe quelle formation qui la compose.

Ci dessous : Muhammed Baldiri Büyük, le commandant d’un des groupes au sein de la 2e division côtière. Muhammed Baldiri Büyük est un Turkmène syrien et est ici visible avec le célèbre drapeau “IYI” (l’un des emblèmes de l’Empire ottoman) (source) :

Muhammed Baldiri Büyük est vêtu d’un uniforme similaire à celui de l’armée turque. Sur cette image Facebook ci-dessous, il pose avec un drapeau de la chahada et deux types différents d’AK.

Dans une autre image tirée des réseaux sociaux, Muhammed Baldiri Büyük pose avec un AK-103 équipé d’une lunette thermique Fortuna One 3L/6L ainsi que d’un silencieux. Il n’a jamais été aperçu utilisant à nouveau cette arme, et son propriétaire original est inconnu. On sait également qu’il possède un M4 et un AK-74.

En 2015, il a été rapporté que la 2e division côtière comptait environ un millier de combattants, avec des chars, des ATGM (missiles guidés antichars – ndt) et des véhicules (certains équipés de mitrailleuses) dans son arsenal :

Source: Facebook

Un autre (ex-)commandant bien connu est Alparslan Çelik. Çelik est un ultra-nationaliste né en Turquie et affilié aux Loups Gris.

En 2014 Çelik est arrivé en Syrie avant de devenir commandant de la 2e division côtière. Il est considéré comme responsable de la mort du pilote russe Oleg Peshkov, qui s’est éjecté de son appareil après que celui-ci a été abattu par la Turquie. Çelik a été arrêté à Izmir et jugé – toutes les charges retenues contre lui ont cependant été abandonnées, les juges affirmant ne pas être en capacité de confirmer qu’il avait bien tué Peshkov. Son avocat a déclaré qu’il avait rendu le corps à la Turquie. Çelik a continuellement nié être responsable de la mort de Peshkov.

Alparslan Çelik (à gauche) à côté de Serkan Kurtulus (à droite), un combattant étranger turc en Syrie. Kurtulus a été arrêté plus tard en Géorgie, accusé d’être impliqué dans des activités criminelles ainsi que de meurtre. (Source : Facebook)

Il doit être noté que la 1re division côtière compte également des Turkmènes dans ses rangs. Il ne s’agit cependant pas d’un groupe spécifiquement turkmène, contrairement à d’autres factions basées à Lattaquié.

Sehitleri Tümeni

Un autre groupe relativement petit mais non négligeable est le Sehitleri Birligi (la “brigade des martyrs” en turc). Le groupe est basé dans la région de Bayirbucak à Lattaquié et s’est installé sur le mont Turkmène et dans le village de Bidama. Le commandant suprême du groupe est Halit Sireki.

Sur une photo partagée sur les réseaux sociaux, Halit Sireki peut être aperçu avec plusieurs drapeaux révélateurs : un drapeau vert avec trois croissants, symbole du nationalisme turc, similaire au drapeau du parti MHP, et deux drapeaux turkmènes, le drapeau de la faction, un drapeau turc et un drapeau IYI (source) :

La brigade comprend au moins deux douzaines de combattants et au moins un combattant étranger turc a été repéré avec eux. Elle dispose de lance-grenades croates de 40 mm, souvent utilisés par les rebelles turkmènes. L’idéologie de ce groupe peut être comparée à d’autres groupes couverts ici, en se concentrant principalement sur les trois piliers du nationalisme, de l’islamisme et de l’identité turcique. Dans ses commentaires aux médias turcs, Halit a déclaré que les Syriens âgés de 17 à 45 ans devraient rejoindre les forces rebelles.

Le groupe semble même inclure des enfants dans ses rangs, comme le montre une photo publiée en 2017. Plusieurs enfants portent des armes. Il n’a pas été confirmé que des enfants aient pris part au combat. (source) :

“Rameau d’olivier” et “Bouclier de l’Euphrate”

Après que la Turquie a lancé l’opération “Rameau d’olivier” à Afrine en coordination avec les forces de l’ASL (Armée syrienne libre), il est devenu clair que plusieurs combattants sont passés de la Turquie à Afrine pour participer à l’opération. Nedret Küçük faisait partie des volontaires étrangers les plus éminents lors de ces opérations. Küçük est un Loup gris turc et membre du groupe d’aide « Güney Hilali Yardimlasma Denegi », qui se consacre à l’envoi de vêtements et de nourriture aux réfugiés et aux personnes dans le besoin. Il semble que l’organisation ne soit pas officiellement enregistrée et soit entièrement gérée par des bénévoles :

S’il est difficile de savoir au sein de quelle brigade particulière Küçük était intégré, il a partagé des images montrant les logos de la brigade Murat sur son profil et des photos de combattants de la brigade portant une bannière de l’organisation de secours. Nedret Küçük a également été photographié avec Izzet Baldir, un membre de la brigade Murat :

Küçük s’est ensuite rendu à Afrine pour combattre les YPG lors de l’opération “Rameau d’olivier”. Comme le montre l’image ci-dessous, il arbore le ruban jaune des combattants de “Rameau d’olivier”. Il porte aussi ce qui ressemble à un bonnet de l’armée turque :

Ci-dessous : Küçük avec Izzet Baldir, un membre de la brigade Murat. Cette photo a été prise en juillet 2018 près de la frontière turco-syrienne :

L’importance de l’implication de Küçük dans l’opération d’Afrine est difficile à confirmer. Les images qu’il partage sur les médias sociaux indiquent qu’il y est allé. Il est peut-être entré à Afrine uniquement pour participer à la distribution de l’aide, car il n’existe aucune preuve de sa participation à des opérations militaires. Rien de ce qu’il partage ne montre une participation active.

Hüseyin Hamed est un autre combattant digne d’intérêt. Hamed était basé à Lattaquié et faisait partie de la 2e division côtière.

Une image datant de 2017 confirme qu’Hamed était stationné dans la zone du mont Turkmène de Lattaquié, en tant que membre de la 2e division côtière. La localisation de la photo est définie comme étant “Djebel Turkman” (source) :

La photo suivante montre Hüseyin Hamed (à gauche) à côté d’un combattant nommé Ahmad. Ahmad est toujours basé dans la région de Lattaquié :

La photo suivante montre Hüseyin Hamed dans le centre-ville d’Afrine après sa capture par des soldats turcs. Hamed peut être vu ici avec un MPT-76 turc, posant peut-être uniquement avec l’arme utilisée par un soldat turc car il n’existe aucune preuve de l’utilisation régulière du MPT-76 par les combattants. À l’arrière-plan, nous voyons 3 soldats turcs utiliser un char de combat Leopard 2A4 et un APC-15. Le bâtiment est celui du gouvernement d’Afrine, comme le confirment les images publiées en ligne par Al-Araby (source) :

Hamed porte une tenue militaire turque et tient une arme appartenant à un soldat turc lors des opérations à Afrine, laissant supposer de possibles liens forts entre Hamed et des membres des Forces armées turques (TSK – ndt).

Ci-dessous : Hamed pose avec un fusil M-16 et un gilet tactique de l’armée turque.

Source: Facebook

Le gilet est intéressant pour son logo seldjoukide. Il est identique à celui de l’Armée de l’air turque.

Le pantalon d’Hamed semble également être le même que celui porté par les militaires turcs.

Une note spéciale au sujet d’Ali Kaplan

Il est également possible que d’anciens membres de l’armée turque soient présents à Lattaquié et dans le nord d’Alep, comme en témoignent des volontaires tels qu’Ali Kaplan. Kaplan a participé à l’opération “Rameau d’olivier”, lancée par la Turquie contre le YPG et ses filiales à Afrine. Il est également apparu dans d’autres régions de la Syrie, notamment à Lattaquié. Bien qu’actif à Afrine, Kaplan n’a jamais été filmé en train de participer à un combat à Lattaquié.

Deux images Facebook confirment qu’Ali Kaplan a été membre de l’armée turque. Il n’a pas été possible d’établir si cela s’est passé pendant son service militaire ou en tant que membre actif de l’armée, mais l’on peut voir ce qui ressemble à un écusson montrant son rang de sergent de première classe sur son bras droit :

Kaplan a été pris en photo avec plusieurs commandants de brigades turkmènes, l’un d’entre eux étant le commandant de la brigade Murat/Dirliş Osmanli, Izzet Baldir ainsi qu’avec le commandant de la 2e division côtière, Muhammed Büyük.

Kaplan semble avoir de bonnes relations avec des soldats turcs et peut être aperçu posant avec plusieurs d’entre eux durant l’opération “Rameau d’olivier”.

Source : Facebook

Kaplan semble être généralement mieux équipés que les autres rebelles turkmènes, utilisant la plupart du temps un Norinco CQ, une sorte de réplique chinoise du M16, équipé d’un viseur holographique, ce qui est peu commun à Lattaquié. Sur l’image ci-dessous on peut voir Ali Kaplan avec un combattant du YPG capturé dans la ville d’Afrine durant l’opération “Rameau d’olivier”. Il a été confirmé qu’au cours de cette opération, plusieurs combattants de la 2e division côtière ont été transférés au nord d’Alep via la Turquie.

Source : Facebook

Conclusion et analyse

Bien qu’il ne s’agisse que d’un territoire rebelle relativement petit, Lattaquié représente un environnement unique pour tous les acteurs de la guerre civile syrienne. Des groupes turkmènes modérés sur le plan religieux, tels que la brigade Murat, et d’autres groupes fondamentalistes religieux, tels que la brigade Abdülhamid Han, ont montré que le nationalisme turc pouvait constituer une force unificatrice pour une grande variété de groupes à Lattaquié.

Cela tranche nettement avec les groupes non-turkmènes de Lattaquié et du reste d’Idleb, où le nationalisme turc n’existe que sur une base individuelle ou culturelle plutôt que comme ciment de l’idéologie d’un groupe. Alors que ces groupes ne comptent probablement que quelques centaines à quelques milliers de personnes, leur influence croissante et l’augmentation de leur financement par la Turquie peuvent être la preuve d’un intérêt accru pour le développement d’une identité turcique en Syrie au delà des simples raisons culturelles.

Bien qu’ils relèvent de la 2e division côtière, ces groupes ne semblent travailler que nominalement au sein de la structure de commandement actuelle. Les profils des membres présents sur les réseaux sociaux montrent peu ou pas de lien avec l’ensemble du groupe, affichant à peine des drapeaux ou des symboles du groupe.

D’après ce que l’on peut voir dans les contenus partagés par ces groupes, il est évident que la Turquie les arme et les finance directement. Des équipements fabriqués en Turquie ou liés à des achats turcs ont été vus entre leurs mains. Des armes de production américaine, comme le fusil M14 EBR, ont également été vues entre les mains du commandant de la brigade Murat, Ramazan Edde, en 2017 :

Source: réseaux sociaux

Bien qu’elles ne soient probablement pas fournies par les Etats-Unis, ces armes ont été livrées à des groupes rebelles tels que la 23e brigade et la division al-Hamza qui reçoit à la fois du soutien des Etats-Unis et de la Turquie. Ces armes on peut être transité grâce à des connexions turkmènes entre ces groupes, la division al-Hamza disposant d’une sous-unité turkmène.

Des ressortissants turcs ont de plus en plus cherché à s’associer à ces groupes et ont participé activement à des opérations avec ces groupes, ce qui est bien connu en Turquie.

Lattaquié demeurant relativement calme, la Turquie pourrait y voir une occasion de renforcer son influence à l’ombre d’Idleb et d’Alep. Les Turkmènes nationalistes en Syrie pourraient non seulement devenir un obstacle mais aussi une toute nouvelle dynamique pour le gouvernement syrien, la Russie et même d’autres groupes rebelles.

Article d’Arslon Xudosi traduit par le collectif Syrie Factuel.